Source : https://cooperative-oasis.org/decouvrir/lobservatoire-des-oasis/
La contribution au mouvement des communs
Cette recherche-action, menée par Anne Lechêne avec le soutien méthodologique de la Coop des Communs et le soutien financier de Habitat Participatif France, vise à croiser les démarches des oasis et les théories sur les communs.
Elle pose de façon symétrique les questions de savoir en quoi l’agir collectif des écolieux relève ou non du paradigme des communs, et en quoi une approche par les communs peut éclairer et empuissancer l’agir collectif de ces lieux dans leur contribution à la transition écologique et sociale. Au travers de l’étude approfondie de 6 lieux membres du réseau, l’intention pratique de cette recherche-action est d’accompagner les acteurs dans une démarche réflexive et d’offrir une grille d’analyse et d’autoévaluation des impacts des oasis.
C’est une analyse qualitative avec :
● des entretiens semi-directifs autour de deux questions de recherche :
– Q1 : En quoi l’agir collectif d’un échantillon d’écolieux relève-t-il aujourd’hui du paradigme des communs ?
– Q2 : En quoi une approche par les communs peut-elle éclairer et empuissancer l’agir collectif des écolieux dans leur capacité à contribuer à la transition écologique et sociale ?
et l’exploration de cinq thématiques : Faire communauté ; Agir ensemble et travailler ; Rapport à la propriété ; Rapport au territoire ; Autres qu’humains et générations futures.
● un atelier collectif d’auto-positionnement permettant le repérage par le collectif de ses points forts, points faibles, zones de flou et zones d’invisibilité à partir de la grille des huit principes favorisants et des huit menaces sur les communs d’Elinor Ostrom, et la détermination de prochains pas pour le collectif.
Conclusion
Ce travail d’analyse a porté sur un échantillon de cinq écolieux et un habitat groupé intergénérationnel, déjà sensibles à la thématique des communs et désireux de participer à l’étude. Il ne s’agit pas dans cette conclusion de chercher à généraliser les résultats, ou à dessiner un one best way pour accélérer la transformation si nécessaire des modes de vie.
Ces lieux de vie et d’activités, complexes, intergénérationnels et bouillonnants de vie, apparaissent comme des lieux sociaux hybrides, fortement contributeurs au territoire, qui dessinent un nouvel art de vivre dans l’Anthropocène. Les six collectifs rencontrés, avec leur expérience de commoning et leurs savoirs partagés dans une communauté apprenante, sont des laboratoires vivants, des livinglabs, qui ont probablement dix ou vingt ans d’avance en matière de mode de vie, au regard de l’urgence climatique. Plus largement, la culture des communs est en voie d’appropriation dans le réseau des écolieux et habitats participatifs.
L’approche par les communs, au service de la transition écologique et sociale, s’encastre aujourd’hui dans une représentation du monde qui ne sépare plus nature et culture, humain et nature, et où le bien commun consiste à maintenir les conditions d’habitabilité de la planète et à prendre soin des écosystèmes vivants, donc précisément à commencer à habiter le monde autrement.
L’étude a mis en évidence des freins dans le déploiement de ces pratiques de communs :
– le cloisonnement du droit français (droit immobilier, droit de l’urbanisme, droit agricole, droit commercial, droit du travail), obstacle pour que des projets complexes puissent atteindre à une congruence juridique;
– le dualisme propriété privée exclusive / propriété publique et la place exiguë de la propriété collective en droit français;
– le renoncement aux droits sociaux (travail bénévole, statut d’auto-entrepreneur) et l’invisibilisation de l’économie substantive (dualisme marché/Etat);
– parvenir à l’adoption par les pouvoirs publics d’une posture de coproduction de politiques publiques-communs;
– la prise en compte du temps long dans des agendas politiques courts;
– le caractère encore émergent dans les représentations culturelles de cette nouvelle place pour les humains dans les écosystèmes vivants.
Dans la mesure où on ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés (Albert Einstein), plusieurs pistes ressortent de cette étude pour lever ces freins :
– poursuivre dans la voie de la recherche-action et des communautés apprenantes, en reliant entre elles les communautés de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être des acteurs de la transition ;
– créer un droit à l’expérimentation pour des collectifs de vie et d’activité engagés sur le territoire dans une démarche de soutenabilité forte;
– observer et accompagner nationalement ces démarches comme “traceurs” pour simplifier les échanges avec les administrations et rendre celles-ci plus inclusives vis-à-vis de projets collectifs et de plus en plus en posture de co-construction du territoire;
– préserver les droits sociaux des personnes travaillant / oeuvrant au développement de communs au service de la transition écologique et sociale;
– soutenir le déploiement d’outils de gestion adaptés comme la comptabilité Care;
– déployer des fonds de dotation, tels que Fraternité pour demain, pour faciliter la propriété d’usage dans les lieux collectifs et banaliser la dissociation propriété/usage;
– intégrer les communs au droit français, suivant les propositions du GIP Droit et Justice sur l’échelle de communalité.