Des écrits plus singuliers, pour dire plus de couleurs…
Charlotte
La Talvère c’est une maison, une grange, quelques petites bâtisses en pierres et un jardinet en bordure du causse de Gramat dans le Lot.
C’est un lieu dont le titre de propriété est confié à une foncière autogérée pour longtemps. Un lieu sorti de la propriété privée pour faciliter sa transmission et son usage partagé à long terme.
On y expérimente et on y (ré)-apprend à prendre soin d’un bien commun, à le partager, à l’améliorer, à prendre soin des humaines qui s’y côtoient et des relations entre elles ; un peu comme on aimerait le faire avec la planète, l’eau et l’air qu’on respire.
C’est un lieu pour se rencontrer, travailler ou faire vivre les événements qu’on a envie de voir dans notre coin de campagne.
Luce
La Talvère est un lieu, un espace et des bâtiments, dans lesquels se déroule une expérience sociale d’auto-organisation – inédite pour celles et ceux qui la vivent – et dont les ingrédients, recettes et trouvailles sont concoctées ensemble et partagées à tous·tes. La Talvère est une synergie de personnes autour d’un lieu qu’elles ne possèdent pas et dont elles jouissent en commun.
Elle est une double intention d’expérimentation auto-reflexive de la vie commune. C’est à dire que nous partageons ici à la fois l’intention de franchir les obstacles que nous rencontrons ainsi que celle de témoigner de nos expériences, de partager nos fruits, nos écueils et nos découvertes.
L’accompagnement des tensions qui émergent entre les personnes / rôles / casquettes des humain·es qui sont là – qu’iels soient membres permanentes, usagères, membres de commissions – est pour nous essentiel à notre dynamique collective. Pour nous c’est là, dans le conflit et dans notre manière de les traverser que se pratique l’auto-organisation, en ce qu’elle tente de vivre autre chose que la répression autoritariste ou la rigidité bureaucratique institutionnelle. En prenant soin de nos tensions (pratique du care), en construisons nos désaccords, loin de la pseudo bienveillance inhibitrice, nous espérons relever le défi humain de fonctionner ensemble, de faire société.
Témoigner de nos expériences, de nos essais, erreurs et apprentissages, chercher la matière philosophique et politique nous aidant à inventer la propriété « ni privée, ni collective », est pour nous une manière de contribuer à une grande transition que nous voyons dans le monde. Nous nous considérons tissé·es de réflexes et de postures de domination, d’habitudes et de peurs issues d’un paradigme extractiviste où l’humain s’approprie, colonise, possède, consomme, use et abuse du monde comme s’il lui appartenait. Nous nous considérons invité·es à changer de regard sur le monde, à changer notre « comment on fait » plus qu’à réinventer du « pourquoi on fait », car pour nous, c’est là que peut se jouer un nouveau jeu.
Un jeu où les humain·es appartiennent au monde, aux côtés des autres vivant·es, et où la pérennité des modes de vies de tous·tes est autant une question d’amour et de conscience spirituelle que de lutte politique.
Clément
La Talvère c’est un lieu composé de bâtiments construits il y a longtemps, qui a vu défiler déjà pas mal de gens et qui en verra défiler beaucoup d’autres. La Talvère, avant, s’appelait autrement et peut-être sera nommée différemment dans l’avenir. Mais les bâtiments qui sont là restent là. Les gens sont de passage, les murs sont leur refuge.
Ces bâtiments nous invitent à nous interroger : qui appartient à qui ? Ils nous appartiennent ? Nous leur appartenons ? Ou alors nous nous appartenons mutuellement ?
Ici la propriété foncière individuelle est requestionnée car il nous semble que cet acte notarial qui nous rend propriétaire de cailloux empilés les uns sur les autres est une entrave à la fluidité de l’usage des lieux et à leur transmission. « On peut signer n’importe quel papier ! Les cailloux ne changent pas de nature ! »
La Talvère c’est donc une intention d’accompagner ces bâtiments dans leur véritable vocation c’est-à-dire accueillir des gens pour qu’ils en fassent usage. Les bâtiments sont éternels s’ils sont utilisés. Dès lors que ça s’arrête, ils prennent le chemin des ruines.
Par contre, remettre en cause cette propriété est chose facile sur le papier mais bien plus complexe dans nos réalités. Si la propriété donnait jusqu’alors les règles du jeu, du qui, du comment, du pourquoi, l’absence de propriété individuelle invite et nécessite de revoir ce cadre. Comment les usages s’harmonisent, s’équilibrent pour que ces lieux perdurent encore longtemps ?
C’est ce que ce petit groupe de gens qui compose la talvère (le volet humain et pas les cailloux) tente : bidouiller d’autres formes de faire ensemble pour servir, soutenir, faire grandir et rayonner la vocation éternelle des cailloux.
L’intention derrière, c’est que l’usage de ces cailloux amène sa petite pierre à l’édifice d’une humanité plus en liens, fluide et libre.